Une interview de Gwénola Herbette, docteur en psychologie
Gwénola Herbette est psychologue, docteur en psychologie, et très impliquée dans l'approche dite de la pleine conscience en Belgique. Elle pratique à Jauchelette ainsi qu'à Sauvenière.
Introduction à la Pleine Conscience
Jérôme Vermeulen: Gwénola, merci de répondre à notre curiosité concernant la Pleine Conscience, approche qui semble se répandre de plus en plus, tout en restant entourée d'un certain mystère... D'après ce que j'en sais, il s'agit d'une approche qui se situe dans le registre des thérapies cognitives comportementales ?
Gwénola Herbette: En fait, la pleine conscience prend racines dans la méditation bouddhiste. Des études ont en effet démontré que chez des moines bouddhistes, le fonctionnement de certaines aires cérébrales était modifié ! Les sources se trouvent donc là...
J.V.: Moi qui suis tellement pointilleux à faire la distinction entre psychologie et orientalisme...
G.H.: La pleine conscience s'en inspire. Mais est dénuée de toute connotation religieuse. En fait, le premier programme basé sur la Pleine conscience a été mis au point par Jon Kabat-Zinn dans les années 70 à l'université du Massachusetts. Et il s'agit en effet d'un entraînement de l'esprit comme peuvent le faire les moines bouddhistes. Elle est étudiée au niveau universitaire dans une perspective scientifique.
Définition de la Pleine conscience
J.V.: Pour entrer dans le vif du sujet, qu'est-ce que la pleine conscience ?
G.H.: La pleine conscience est un entraînement de l'esprit visant à porter l'attention sur le moment présent, instant après instant, de façon intentionnelle et sans jugement de valeur.
Plus concrètement, il s'agit de focaliser son attention sur sa respiration, ou un endroit du corps, ou un mouvement, ou tout autre stimulus, et de ramener son esprit à cette focalisation chaque fois que l'attention s'en éloigne. Plus précisément, cela peut se pratiquer de façon formelle et informelle.
La pratique formelle consiste à s'asseoir pour pratiquer. Il s'agit vraiment de prendre le temps, 45 minutes par exemple, pour effectuer différents exercices.
La pratique informelle consistant elle à focaliser son attention, moment après moment, sur ce qui se passe à un moment donné de la journée. Quand on fait la vaisselle, par exemple.
J.V.: Mais donc... quel serait le principe sous-jacent ?
Alors, la pleine conscience n'est PAS de la relaxation. L'objectif n'est pas non plus, stricto sensu, de vouloir changer les choses. Le point fort de la pleine conscience, c'est plutôt d'arriver à être présent à ce qui est là, maintenant, que cela soit positif ou négatif d'ailleurs.
Il s'agit moins d'une technique que d'une façon d'être. Une façon d'être permettant de sortir d'une sorte de pilotage automatique que nous adoptons tous, pour prendre conscience de. Cela permet de mieux gérer différentes émotions, comme la colère, la peur, l'anxiété.
J.V.: Et ça marche ?
G.H.: Absolument. Les personnes rapportent pouvoir davantage prendre distance par rapport à leurs pensées et les émotions et donc, les gérer beaucoup mieux, et cela est souvent d'ailleurs perçu par l'entourage. J'entends souvent des réflexions comme: Mes enfants me trouvent plus relax; mon mari m'a dit que je m'énervais moins...
Indications et contre indications
J.V.: Plus concrètement encore, abordons les indications et contre indications de l'approche par la pleine conscience.
G.H.: La Pleine Conscience est utilisée dans la gestion du stress. C'est Jon Kabat-Zinn qui va l'utiliser dès les années 70 dans un protocole de 8 semaines, à raison d'une séance par semaine, pour réduire le stress chez des personnes souffrant de problèmes physiques ou psychologiques.
Plus récemment, une équipe de chercheurs a adapté ce protocole à la prise en charge de la dépression, plus précisément dans un cadre visant à prévenir les rechutes dépressives. Tout cela est précisément évalué, et les résultats sont très positifs.
On peut également travailler avec la pleine conscience dans la gestion de problèmes de sommeil, de douleur chronique, pour apprendre à gérer certaines émotions.
Par contre, la pleine conscience est contre-indiquée en plein épisode dépressif. Mais également dans le traitement de certaines séquelles d'abus sexuels ou de PTSD. La focalisation sur le corps risquant d'être trop confrontantes pour ces personnes.
A éviter aussi pour les attaques de panique, les troubles de l'attention.
J.V.: Mieux vaut donc, comme toujours s'orienter vers quelqu'un ayant une bonne connaissance de ses champs d'application. Grand merci Gwénola !
Le site de Gwénola Herbette consacré à la Pleine Conscience: www.pleine-conscience.be