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Wolfgang et le syndrome d’Asperger

Auteur: Jérôme Vermeulen, psychologue Présentation


Résumé: Après quelques première années difficiles, Wolfgang, atteint d'un autisme d'Asperger, va prendre un nouveau départ


Auteure: Isabelle Resplendino, la maman de Wolfgang

Un nouveau départ

Nous sommes retournés plusieurs fois à l’hôpital, pour toutes sortes de tests : QI, langage, IRM, prise de sang…

À ses 4 ans et 5 mois, le QI de performance était bon, 110, (mais on ne pouvait pas bien l’évaluer, d’une part car son comportement ne le permettait pas, d’autre part parce que les tests étaient traduits du néerlandais en français, langue que nous utilisions à la maison). Même si Wolfgang était très peu verbal (son niveau de langage à 4 ans et demi était celui d’un enfant de 18 mois) il avait l’habitude d’entendre parler français, aussi les consignes pour les tests lui étaient dispensées en cette langue.

Une passion pour Godzilla

À l’âge de 3 ans, mis à part un babillage incompréhensible, son (presque) unique mot était « Godzilla » ; il était obsédé par le film dont j’avais dû limiter son visionnage à une séance quotidienne, et voyait « Godzilla » partout, dans tout ce qui était vert, tout ce qui évoquait, même de très loin, la forme d’une écaille ou d’un reptile…

Un peu plus tard, il appelait toutes les femmes de ma tranche d’âge « Maman ». Je pense que, dans « l’autre dimension » où il vivait, il n’avait pas conscience que j’étais sa mère et croyait que c’était ainsi qu’on dénommait les femmes de mon âge…

Mémoire et facultés intellectuelles étonnantes

Par ailleurs, il montrait des facultés étonnantes : il effectuait depuis longtemps des puzzles compliqués pour son âge, et dans des laps de temps très courts. Il avait même appris à lire tout seul, avec un alphabet électronique que lui avaient offert mes parents pour ses 3 ans. Il avait appris les lettres et à les assembler en syllabes puis en mots, ce qui était insolite pour un enfant qui ne parlait pratiquement pas : il savait lire. Tout bébé, il aimait tenir un livre en mains et le regarder, tous les jours avant de s’endormir dans son lit, d’ailleurs cette habitude ne l’a pratiquement jamais quitté. Cependant, la lecture des lettres fut un acquis qu’il ne conserva pas, vers les 5 ans il connut une période où cela ne l’intéressait plus et il l’oublia alors.

Outre les émissions de « C’est pas sorcier », il adorait tout ce qui était documentaire, la chaîne « National Geographic » et les livres qui parlaient des mêmes sujets… en plus de « Godzilla ».

Wolfgang faisait preuve d’une mémoire phénoménale pour les choses qui l’intéressaient, par exemple il pouvait se souvenir un an plus tard du tiroir où j’avais mis un objet qu’il voulait… alors qu’il ne l’avait vu qu’une seule fois.

Le syndrome d'Asperger se confirme

On sentait qu’il était intelligent, mais très limité par son handicap. Au bout de plusieurs visites à l’hôpital, le diagnostic fut affiné : c’était bien le syndrome d’Asperger. Mon mari n’ayant jamais entendu parler de ce mot, il fit des recherches sur Internet et reçut un choc : dans la description des personnes atteintes, il se retrouvait… Ce qui ne m’étonna guère. Mon mari n’avait pas d’amis, peu de relations sociales autres que professionnelles (et il avait dû adapter son comportement à son entourage professionnel lorsqu’il avait commencé sa carrière), il était ordonné, avait une mémoire photographique et un don pour les chiffres : il savait repérer en un coup d’œil une erreur dans une page remplie de nombres.

Trouver une école

La neuro-pédiatre nous dit que nous avions le choix : soit inscrire notre fils dans l’enseignement spécialisé, soit dans un hôpital de jour, mais de préférence dans sa langue maternelle le français car le fait qu’on utilisait le néerlandais à l’école aggravait son cas d’enfant très peu verbal. Nous nous décidâmes pour l’enseignement spécialisé. Je suis française d’origine et j’avais pu constater la régression d’enfants que je connaissais pendant leur accueil en hôpital de jour, où sont placés beaucoup d’enfants en situation de handicap en France, surtout ceux avec un trouble autistique. Il était hors de question que notre fils mette un pied dans un de ces établissements.

En cherchant une école qui lui convienne, nous avons constaté que la province du Hainaut présentait une offre assez dense en enseignement spécialisé. Nous avons donc choisi de nous y installer et d’inscrire Wolfgang pour la rentrée de janvier 2006. En attendant Wolfgang refusa carrément, en piquant une crise, de continuer à aller à son école habituelle. Il resta alors à la maison. De toute manière, il avait seulement appris à l’école à enfiler son manteau : c’était bien peu en deux années.

Lorsque je lui avais communiqué le résultat du QI de performance de Wolfgang, l’institutrice qui laissait Wolfgang dans un coin à part de la classe changea d’attitude envers lui, mais c’était un peu trop tard : il était trop malheureux pour continuer ici.

Les progrès incroyables dans la classe de Madame Muriel

Janvier 2006. Wolfgang fait son entrée à l’école spécialisée, dans la classe de Mme Muriel, qui avait suivi une formation à l’autisme en cours de carrière à l’Université de Mons. À Pâques de la même année, Wolfgang était propre, parlait couramment et mangeait des aliments solides.

J’avais établi un tableau sur feuille volante pour tous les jours de la semaine : lorsque Wolfgang allait aux toilettes, lorsqu’il mangeait sa viande, lorsqu’il mangeait ses légumes (il restait à la cantine), son institutrice mettait une croix sur le tableau, que je reportais le soir à la maison sur une ardoise effaçable : au bout de 10 croix, il avait droit à tirer un sujet Pokémon au distributeur du supermarché.

Nous le voyions effectuer des progrès à une vitesse incroyable, mais toujours par grands paliers brusques, non pas de manière linéaire. Dès qu’il se mit à parler couramment, ce fut avec un vocabulaire compliqué, semblable aux documentaires dont il raffolait, mais avec les mots utilisés à bon escient dans le contexte : il les avait donc bien assimilés. Il faisait cependant nombre d’erreurs grossières dans la syntaxe et dans l’emploi des pronoms, mais nous les reprenions. Aussi, à la maison et à l’école nous étions tous attentifs à lui faire croiser notre regard, à communiquer, effectuer les politesses d’usage (bonjour, s’il vous plaît, merci, au revoir…).

L’épreuve de l’incompréhension des gens qui ne le connaissaient pas, devant son comportement qu’ils prenaient pour des caprices dus à une mauvaise éducation, subir leur réprobation souvent silencieuse mais éloquente, devenait de plus en plus rare à chaque sortie…

Sous nos yeux, nous voyions naître notre enfant une seconde fois.

À suivre : Espoirs et avenir.

Texte mis en ligne le 06-09-2014

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