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La méthode respiratoire Buteyko

Auteur: Philippe Maxwell
Consultations: 1140 Evere et 1180 Brussel
Plus d'infos, autres publications: vers sa fiche d'auteur


Résumé: La méthode Buteyko, du nom de son créateur, le Docteur Konstantin Pavlovich Buteyko, est une approche holistique, qui vise au rééquilibrage de la fonction respiratoire.



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Philippe MAXWELL, vous êtes psychologue de formation et vous pratiquez à présent la méthode respiratoire Buteyko. Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots en quoi consiste cette méthode ?

Oui, bien sûr.

La méthode Buteyko, du nom de son créateur, le Docteur Konstantin Pavlovich Buteyko, est une approche holistique, qui vise au rééquilibrage de la fonction respiratoire.

Partant du constat de sa pratique de médecin et de faits statistiques reconnus et avérés établissant que les humains respirent nettement au-delà (en termes de volume d’air) de ce que leurs besoins physiologiques requièrent, le Docteur Buteyko a mis au point une technique, reposant sur des lois physiologiques, visant à la réduction de la quantité de volume d’air respiré en vue de corriger tous les troubles et symptômes dérivant de cet excès respiratoire – on parle d’hyperventilation – au premier rang duquel se trouve l’asthme.

Si je vous comprends bien, il s’agit dans la méthode Buteyko d’apprendre à «moins respirer» pour «mieux respirer». Voilà qui est contre-intuitif puisque l’on aurait tendance à penser que «mal respirer», ce serait plutôt «ne pas respirer assez»!

Absolument. La méthode Buteyko va totalement à l’encontre du message général véhiculé par notre société contemporaine qui nous pousse dès notre naissance et petite enfance à «respirer plus». Peut-être vous souvenez-vous de vos cours d’éducation physique à l’école où le professeur disait: «Allez, vas-y, Respire, Expire, Souffle» quand il voyait un élève en peine... L’on croit en effet que respirer davantage permettrait de mieux oxygéner son organisme et serait ainsi bénéfique à notre santé, vitalité, et endurance. Or, c’est tout le contraire qui se passe, et c’est de la physiologie respiratoire élémentaire. En effet, on nous apprend à l’école que la fonction respiratoire engage deux gaz : l’oxygène et le dioxyde de carbone (CO2). Pour le dire très rapidement et très schématiquement, en respirant plus, on élimine aussi plus de dioxyde de carbone, gaz considéré comme un «déchet» à éliminer. Or, ce dioxyde de carbone est indispensable à la bonne oxygénation de nos cellules et de nos tissus : c’est l’«effet Bohr», principe physiologique connu depuis le début du 20ème siècle, auquel le lecteur pourra se référer, s’il souhaite mieux comprendre la physiologie respiratoire. «En soufflant», en expirant par la bouche, on élimine une grande quantité de ce précieux CO2, mettant à mal l’oxygénation de notre cellules. A l’opposé, en respirant moins, l’on conserve plus de CO2, l’oxygénation cellulaire et tissulaire de l’organisme devient meilleure.

Tout s’éclaire! Il s’agit de respirer moins pour corriger la quantité de CO2 dans le sang…

Tout à fait! Il s’agit, en effet, par l’apprentissage et la pratique d’exercices de respiration d’apprendre à diminuer le volume d’air que l’on respire et, partant, d’optimiser la quantité de CO2 présente dans le sang en améliorant la tolérance de notre organisme à ce gaz.

Toutefois, la méthode Buteyko va plus loin que cela et vise, par sa pratique, à une meilleure fonctionnalité respiratoire en prenant en compte l’ensemble des éléments qui interviennent dans cette fonctionnalité. Ainsi, il est certain que le dioxyde de carbone est d’une importance considérable dans les échanges respiratoires, mais l’on ne pourrait passer sous silence le rôle et l’importance d’un autre gaz bien moins connu, l’oxyde nitrique (NO), produit par les sinus paranasaux et libéré dans le corps par la respiration nasale, sur le fonctionnement de l’organisme humain.

Il est important de préciser à ce stade que la fonction respiratoire – avec les échanges gazeux complexes qui la composent et la déterminent – bénéficie en tout premier lieu de cette pratique. Néanmoins, ce n’est pas la seule fonction de l’organisme humain à profiter des bienfaits de cette méthode.

Toutes les fonctions humaines, et, plus largement, le sujet humain dans son intégralité, seront impactés et bénéficieront du nouveau mode respiratoire qui sera installé. C’est en cela que la méthode Buteyko peut être qualifiée de pratique holistique.

Dans la méthode Buteyko, la respiration est en quelque sorte le pivot sur lequel et à partir duquel le praticien va agir et intervenir.

Donc, vous êtes psychologue, mais vous travaillez sur la respiration et sur des fonctions physiologiques humaines variées. On n’est donc pas dans de la psychothérapie…

Effectivement. Je suis psychologue (psychologue de formation), mais je propose aux personnes qui viennent me visiter une pratique respiratoire, la respiration ayant une influence considérable sur le sujet humain dans sa globalité. Je ne me dis pas et ne me considère pas «psychothérapeute», ce dernier qualificatif impliquant de fait une séparation, une distinction du corps et de l’esprit. Je ne soigne pas et n’interviens pas sur la «psyché» au sens où la psychologie et le monde occidental l’entendent. Je considère la méthode Buteyko comme une voie holistique œuvrant à un changement, à une transformation de l’individu par le biais de cette fonction humaine remarquable, qualifiée par les scientifiques de fonction semi-automatique (à la fois involontaire, mais pouvant être modifiée par l’action de l’homme), la respiration.

Dès lors, comment procédez-vous pour installer des effets et changements durables dans la vie quotidienne des personnes qui vous consultent?

Avant tout apprentissage et pratique des exercices respiratoires, il importe de savoir où la personne qui est en face de nous se situe en terme respiratoire, de prendre connaissance de sa façon de respirer. Il s’agit aussi d’écarter les 2 ou 3 contre-indications absolues à la pratique d’exercices respiratoires et d’établir les éventuelles précautions à installer en cas de situation sensible.

Une fois cela réalisé, et après une information exhaustive sur la méthode, il est proposé aux intéressés, tout en tenant compte du rythme et des possibilités de chacun, des exercices respiratoires doux et progressifs, mais non moins puissants, visant à un rééquilibrage de la fonction respiratoire, qui assurera, et c’est le postulat de la méthode, une réorganisation de tous les systèmes qui composent l’organisme humain.

Ensuite, il est laissé à la liberté du consultant de pratiquer ou non les exercices qui lui sont proposés. Mon rôle se limite donc à une suggestion d’un choix d’exercices respiratoires adaptés à la situation et à l’apprentissage de ceux-ci.

Vous soulignez qu’il s’agit d’une méthode holistique. Néanmoins, y-a-t-il des symptômes pour lesquels la méthode Buteyko est plus particulièrement indiquée?

La méthode Buteyko s’est surtout fait connaître en raison de son efficacité redoutable dans le traitement de l’asthme. De nombreux praticiens de cette méthode sont d’ailleurs d’anciens asthmatiques guéris par les exercices respiratoires de cette technique. L’efficacité de la méthode Buteyko sur l’asthme est à ce point concluante qu’elle est d’ailleurs reconnue comme traitement officiel de la maladie dans 3 pays : en Angleterre (où elle est d’ailleurs proposée gratuitement par les services de santé publique), en Russie, et en Australie.

La méthode Buteyko est très utile pour tous les troubles et symptômes touchant la sphère respiratoire – et ils sont nombreux : de l’asthme que je viens de citer, aux sinusites et rhinites chroniques, aux problèmes respiratoires consécutifs aux allergies, à la congestion nasale, au Post-Covid, etc...

En revanche, il serait très réducteur et limitatif d’en conclure que la méthode Buteyko se destine aux seules personnes souffrant de troubles respiratoires et d’en faire une espèce de «méthode de rééducation» respiratoire.

Le Docteur Buteyko avait déjà mentionné à son époque que sa méthode pouvait s’appliquer et être très utile à – pas moins de – 150 symptômes ou maladies, touchant les différents systèmes que compte l’organisme humain. Citons pêle-mêle outre les pathologies déjà mentionnées: problème de sommeil (insomnie, réveil nocturne, apnée du sommeil, ronflement, …), dépression, fatigue chronique, burn-out, stress, angoisse et anxiété, crises de panique, phobies (agoraphobie), irritabilité, problèmes de mémoire et de concentration, problèmes relationnels et sexuels, apathie, certains dysfonctionnements hormonaux, problèmes dermatologiques, troubles digestifs, et circulatoires, …

Notons aussi pour la petite histoire que le Docteur Buteyko s’est guéri de l’hypertension artérielle sévère dont il souffrait par la pratique des exercices respiratoires qu’il préconise et que cette pathologie a été à l’origine de l’élaboration de sa méthode respiratoire.

Pour terminer, je voudrais vous poser une question plus personnelle. Philippe MAXWELL, vous êtes psychologue diplômé de l’UCL. Vous avez manifesté dès le début de vos études universitaires un attrait pour une psychologie que l’on qualifie communément de psychologie des profondeurs (Psychanalyse, théorie szondienne, phénoménologie), puis un vif intérêt pour les écrits de François Roustang dont vous avez suivi une formation en hypnose à Paris où il était en quelque sorte le maître d’œuvre. Qu’est-ce qui vous a conduit de la pratique d’une psychologie dite «classique», académique, psychologie dite des profondeurs, à la pratique d’une méthode plus comportementale quand bien même serait-elle holistique?

Je vous remercie pour votre question, qui me donne l’occasion de repréciser un point important relative à mon approche.

Je ne considère absolument pas la méthode Buteyko comme une technique comportementale où il s’agirait simplement par la mise en place d’une certaine procédure de corriger un trouble ou un comportement qualifié – ou pouvant être qualifié – de pathologique.

La méthode Buteyko va bien plus loin que cela. A ce titre, les motifs de consultation sont très illustratifs, à mon sens. En effet, je reçois, outre des personnes souffrant parfois gravement d’asthme, de problème de sommeil, de crises de panique, indications pour lesquelles la méthode Buteyko est bien établie, de plus en plus fréquemment des personnes qui ne souffrent d’aucune «pathologie» déclarée, mais qui viennent consulter parce qu’elles se disent être dans une démarche qu’elle qualifie de «spirituelle» souvent adeptes ou intéressées par les disciplines orientales telles que le Yoga, le Chi Gong (etc…), le Tantra, et considérant le «travail» sur la respiration tel que le propose la méthode Buteyko comme une voie venant soutenir, nourrir la démarche qui est la leur.

A l’opposé, je vois aussi des personnes qui viennent consulter pour des indications reconnues (comme l’asthme, les troubles du sommeil) et qui constatent, outre le soulagement et l’amélioration significative du trouble pour lequel elles sont venues me visiter, des effets plus globaux sur leur vie. Ainsi, après plusieurs semaines de pratique, elles disent se sentir plus dans le présent, plus enracinées, et plus vivantes. Certains consultants en arrivent aussi parfois à une remise en question des choix qui ont été les leurs, comme le choix professionnel, et décident d’orienter leur vie différemment.

Au risque de me répéter, et pour conclure, la pratique d’exercices respiratoires ne peut dès lors pas être considérée comme une pratique dont les effets ne sont que respiratoires, elle remodèle le fonctionnement de l’organisme humain dans son intégralité, pouvant aboutir à des transformations dont le sujet qui en est le pratiquant était loin de soupçonner.

Comme pour la transe hypnotique, les prémisses d’une modification existentielle – pour autant qu’elle s’avère nécessaire pour le consultant – étaient certainement déjà présentes en germe avant la volonté de venir pratiquer, la technique respiratoire étant simplement venue activer ces germes et formaliser cette modification.

Toutefois, ces dites transformations ne sont pas le lot commun et il en est bien ainsi. La technique Buteyko n’apportant «que», chez la majorité des personnes qui s’y adonnent, un profond soulagement voire une disparition totale des maux qui les accompagnaient parfois depuis de longues années.

Philippe MAXWELL, je vous remercie d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.

Merci à vous de m’avoir donné l’opportunité de faire connaître la méthode Buteyko encore peu connue et répandue en Belgique, mais qui gagne à l’être.


Texte mis en ligne le 17-05-2024

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